un entretien avec ...

Britt Berghs

À Anvers, 70 % de tous les immeubles sont à appartements. Une part considérable dont ne peut se targuer aucune autre ville flamande. La rénovation d'un immeuble à appartements est complexe à bien des égards. BE REEL! s’est entretenu avec Britt Berghs, coordinatrice de projets pour la ville d’Anvers.

Britt Berghs (38) est depuis 2018 coordinatrice de projets construction et rénovation durables pour l’Ecohuis de la ville d’Anvers. Architecte de formation, elle travaille depuis déjà 15 ans comme architecte pour la ville. Elle a ainsi établi à l’époque les plans à long terme du patrimoine urbain, elle s’est formée en tant qu’expert immobilier afin de pouvoir faire des évaluations et elle collabore sur des projets de BE REEL! à Anvers.
Quelle est votre fonction actuelle et sur quels projets travaillez-vous ?  

Britt : « Je dirige l’équipe qui se charge de tous les projets de conseils et d’accompagnement dans la ville. Cela englobe différentes sous-actions comme celles pour les groupes-cibles vulnérables qui est aussi une action BE REEL! ou l’accompagnement en matière de rénovation aux maisons unifamiliales. Je consacre la majeure partie de mon temps aux actions relatives à la rénovation des appartements, car 70 % des Anversois vivent dans un immeuble à appartements. C’est pour cette raison que nous y accordons autant d’attention au sein de BE REEL!, où j’essaie de définir et améliorer notre approche. »

Ville d’Anvers, Ecohuis et BE REEL!

Tout le monde connaît Anvers, mais qu’est-ce qu’une Ecohuis exactement ?

Britt : « L’Ecohuis est le nom du site où se trouve notre service au grand complet lié au public Climat et Environnement. Cela signifie que c’est l’endroit où vous en tant que citoyen pouvez vous adresser tant pour des conseils sur l’adaptation au climat que pour le verdissement et la décarbonation, tant pour des conseils sur l’atténuation du changement climatique que pour des économies d’énergie et une rénovation durable. Comment sommes-nous structurés aujourd’hui ? Si je me limite au volet énergie, nous offrons différents services : nous remplissons d’une part une fonction de guichet et de conseil à laquelle les personnes adressent leurs questions sur la rénovation durable, les économies d’énergie, les conseils de facture et le contrôle des devis. Nous avons d’autre part aussi un service de deuxième ligne où nous soutenons les personnes qui ne sont pas autonomes pour mener à bien un projet. Un accompagnement gratuit en matière de rénovation pour les particuliers est par exemple un de ce type de services. Nous accompagnons dès lors le citoyen de A à Z dans son projet de rénovation. Cela va d’une analyse de l’immeuble et de la demande de devis au contrôle des travaux et à la demande des primes.    

Notre fonctionnement par rapport aux groupes-cibles mérite aussi d’être mentionné. Nous disposons d’une dizaine de conseillers en énergie qui se rendent physiquement au domicile des personnes et examinent comment le propriétaire peut faire baisser sa facture par le biais d’interventions simples comme l’installation de lampes LED ou de feuilles réfléchissantes pour radiateur. Ces conseillers en énergie identifient également de suite la présence de problèmes importants dans le bâtiment ou s’il présente un potentiel de rénovation. Ceux-ci sont ainsi repris dans notre service en vue d’un projet de rénovation économe en énergie. L’Ecohuis se compose de 3 grands piliers en matière d’atténuation du changement climatique : groupe-cible vulnérable, accompagnement en matière de conseil et de rénovation et l’équipe crédits qui gère notamment le prêt sans intérêt MijnVerbouwlening. »

La ville d’Anvers est active au sein de BE REEL! avec différents projets. J’aimerais en souligner un d’entre eux : la rénovation des grands immeubles à appartements.    

Britt : « En 2018, nous avons lancé une approche sur mesure pour les grands immeubles à appartements de plus de 20 unités de logement qui ont plus de 20 ans. Nous avons pour ce faire mis le plan directeur benovatie sur pied. Il s’agit d'un plan pluriannuel durable établi par un bureau d'études externe en collaboration avec un coach en rénovation de la ville d’Anvers. Il consiste dans un premier temps en un état des lieux du bâtiment, mais va bien au-delà que ce que nous faisons pour les maisons familiales. Nous examinons non seulement l’économie d’énergie, mais également des éléments comme la qualité de l’habitat, l’accessibilité, la sécurité et les problèmes techniques de construction. Un examen complet du bâtiment donc. Sur cette base, un plan sur 20 ans est établi sur la base du « total cost of ownership » (coût total de possession). Les investissements y sont non seulement repris, mais également les frais d’entretien et d’énergie ainsi que la valeur immobilière. Cela vous permet de voir l’impact de chaque investissement sur la charge mensuelle totale.      

Nous établissons en définitive 2 plans : Un plan d’entretien pluriannuel standard qui reprend tous les travaux qui sont nécessaires pour être légalement en ordre et qui veillent à ce que le bâtiment ne s’effondre pas. De plus, nous faisons élaborer un scénario durable pour faire plus rapidement le saut vers un certificat A en 2050 afin d’anticiper sur les frais d’entretien et d’énergie.
Notre approche ne reçoit que des avis positifs de la part des propriétaires et des syndics. 
Comment allons-nous exactement travailler ? En tant que coach en rénovation, nous expliquons le projet total lors de l’assemblée générale de l’association de copropriétaires (ACP) afin qu’elle s’engage dans un parcours avec nous. Si les copropriétaires sont d’accord, ils signent une déclaration d’engagement. Ensuite, nous soutenons l’ACP dans l’établissement d’un cahier des charges conforme au marché pour une étude de plan directeur. Attention : il ne s’agit pas d'une adjudication publique. Ce cahier des charges est mis sur le marché par le syndic et payé par l’ACP. Si les exigences de qualité sont respectées, l’ACP peut récupérer 50 % de ce coût grâce à une prime de la ville. Pendant cette phase préalable, nous menons en tant que coach en rénovation un sondage auprès des propriétaires. Nous rassemblons toutes les informations disponibles des services de la ville et une fois l’étude effectuée, nous examinons les paquets d’investissement durable que nous pouvons composer pour les faire approuver par l’assemblée générale.


Un part importante à cet égard est le coaching financier. Nous établissons chaque fois des modèles de financement personnalisés pour chaque bâtiment et ses copropriétaires. Car c’est bien là où se trouve un problème que nous avons rencontré : la majorité des travaux sont effectués au niveau des parties communes comme l’enveloppe du bâtiment et la chaufferie, mais les primes sont accordées à titre individuel. Comme chacun a un contexte différent et entre dès lors en ligne de compte pour d’autres primes, cela devient vite un travail de longue haleine pour tout coordonner. Enfin, vous devez aussi prendre conscience que l’on parle ici de projets à plusieurs millions.  

Les travaux ont-ils déjà été exécutés ?  

Britt : « Pour l’instant, nous avons un seul projet en cours d’exécution. Vous pouvez estimer que c’est peu, mais vous devez savoir qu'un parcours de ce type a un délai de réalisation d’au moins 3 ans avant que les premiers travaux ne puissent commencer. Dans ce bâtiment est lancé aujourd'hui un projet qui rénovera trois des quatre façades pleines de pourriture de béton et de ponts thermiques. Les balcons existants sont de ce fait aussi remplacés par des balcons plus grands, ce qui augmente la qualité de l’habitat et élimine en une fois tous les ponts thermiques. . Nous parlons dans ce cas de montants avoisinant les six millions, ce qui revient à 40 000 euros par appartement. Le coût d’investissement nécessaire pour obtenir le certificat A est donc très élevé, notamment parce que plusieurs grands problèmes techniques de construction doivent être résolus (ponts thermiques, pourriture du béton, désamiantage). Vous ne pouvez pas le sous-estimer. La possibilité de bénéficier d'un coaching financier par un coach en rénovation neutre s’est avéré pour cette raison un argument déterminant pour les résidents de Brabo.  

À cela s’ajoute le fait qu'il arrive souvent dans ce type d’immeuble à appartements que plus de la moitié des propriétaires appartiennent à la catégorie des plus bas revenus.   Vous ne pouvez pas le nier et vous devez en tenir compte. De nombreuses personnes ont besoin d’un soutien supplémentaire, ne savent pas à quoi elles ont droit. Dans le cadre de ce projet, nous les aidons notamment par un coaching individuel. Le système actuel est très complexe pour des personnes qui ne sont pas entièrement autonomes.
Le système actuel est très complexe pour des personnes qui ne sont pas entièrement autonomes. 
En général, un seuil existe et celui-ci n’axe pas de nombreux acteurs du marché (architectes, ingénieurs et entrepreneurs) sur ce groupe-cible. Justement parce que c’est si complexe et a un délai de réalisation long. La crise énergétique n’aide évidemment pas non plus dans ce cas. Comme le prix des coûts et des matériaux de construction a augmenté, les estimations d’avant la crise doivent être ajustées. C’est dommage, car ce projet aurait pu finalement être déjà achevé aux prix d’avant la crise. D’autant plus que le Gouvernement flamand a étendu la période d’amortissement de Mijnverbouwlening de 10 à 25 ans. Cela aurait été une bonne chose de pouvoir utiliser cette mesure comme levier pour rénover également la façade arrière. »  

Comment entrez-vous en contact avec les propriétaires ?  

Britt : « En 2018, nous avons commencé à embaucher en tenant des séances d’information pour les syndics et les copropriétaires dans les 2 districts comptant le plus d’immeubles à appartements. Quelques projets pilotes en ont découlé. Depuis lors, nous avons développé un réseau avec des syndics et d’autres parties prenantes, ce qui assure une convergence automatique. Pour l’instant, nous ne devons plus embaucher activement car il y a du travail plus qu’en suffisance pour les coaches en rénovation. Du côté des propriétaires et des syndics, nous ne recevons que des messages positifs sur notre approche. »  

Quels points d’attention techniques faut-il examiner lors de la rénovation d’appartements ?  

Britt : « Vous avez un grand point de référence avec la construction de logements sociaux qui aborde des thèmes techniques de construction similaires, excepté que vous n’avez pas 100 copropriétaires qui doivent décider ensemble. Ce sont souvent les mêmes problèmes qui reviennent : pourriture du béton, amiante, gaines de conduite qui sont complètement usées, une installation de chauffage commune qui tombe en panne, aucune isolation … »

Questions d'opinion

Imaginons... En qualité de décideur politique, vous pouvez modifier/créer une seule mesure politique pour vous aider à atteindre vos objectifs. Laquelle choisissez-vous ? Pourquoi ? (Vous pouvez choisir vous-même le niveau politique)

Britt : « Au niveau flamand, je développerais les primes et le financement sur mesure pour les immeubles à appartements. Aujourd’hui, on part d'une maison familiale et on transpose cela en appartements. De ce fait, cela ne fonctionne finalement pas de manière optimale pour ce groupe-cible. J’automatiserais également l’attribution des primes. Que vous vouliez les calculer sur la base du revenu, je le comprends complètement, mais dans le cas d’immeubles à appartements, la demande devrait de toute façon être effectuée en masse, les systèmes sous-jacents des pouvoirs publics vérifiant quel propriétaire a droit à quelle prime. Toutes ces données sont en effet disponibles auprès de l’Autorité flamande (revenu, statut de propriété, …)  Traduire cela pour chaque copropriétaire nous donne énormément de travail qui est finalement superflu et la mobilisation entrave notre fonctionnement. Cette automatisation supprimerait beaucoup d’inquiétude chez les personnes car elles savent qu’elles reçoivent ce à quoi elles ont droit et nous en tant que ville pouvons travailler plus efficacement. »

À propos de quelle hypothèse/quel thème axé(e) sur la rénovation énergétique aimeriez-vous voir une étude ou une mesure concrète et pourquoi ?  

Britt : « À propos des coûts de construction actuellement utilisés pour élaborer la politique au niveau flamand. Ceux-ci ne sont à mon sens pas corrects. Si une estimation du coût pour passer au certificat A y est effectuée par appartement, aucun chiffre réaliste n’est utilisé. Savez-vous à combien s’élève la prime la plus élevée pour la catégorie des plus bas revenus, comme nous l’avons calculée pour ce projet pilote ? 9000 euros ! Vous pouvez dire que cela ne représente que le coût de l’isolation, mais les gens doivent quand même le payer. La rénovation d'une façade implique que vous devez d’abord l’enlever, puis l’isoler et l’achever. Rappelez-vous que je viens de dire que les résidents de notre premier projet pilote doivent vite débourser 40 000 pour trois façades. Dans la réalité, vous devenez vite non éligible à une « mijn verbouwpremie » de 50 %.

Pour terminer, une question sur l’avenir : les objectifs seront-ils atteints ?

Britt : « Nous sommes à un tournant, je pense. Nous pouvons toutefois vraiment parler de projets pilotes réussis. La demande est très forte à cet égard. Si nous avons suffisamment de bâtiments qui veulent consentir aux investissements, nous pouvons activer des acteurs du marché pour travailler avec cette approche. Je vois donc l’avenir en rose.

Je vous remercie pour cet entretien !

Vous trouverez de plus amples informations sur l’Ecohuis ici.
Le site web de la ville d’Anvers